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Feuille de cannabis sur un pot rempli de graines de cannabis
Rédigé par
Andrea Mandel-Campbell

Andrea Mandel-Campbell

Aujourd'hui, le Canada est devenu le premier pays du G7 à légaliser le cannabis. Cette nouvelle réalité relativement simple a entraîné un raz de marée entrepreneurial que le pays n’a pas observé depuis l’explosion de l’Internet.

Il est à la fois rare et exaltant de voir toute une industrie se développer à partir de rien, en temps réel, d'autant plus que, pour le moment, nous sommes considérés comme les leaders mondiaux d'un marché en pleine croissance dans une industrie émergente.

Toronto est devenue une plaque tournante mondiale pour les entrées en bourse, que l’on parle des dispensaires médicaux basés en Floride ou des producteurs colombiens, générant des milliards de capitalisation boursière. Pendant ce temps, les entreprises canadiennes s’imposent partout dans le monde, recrutant des concepteurs de serres danois et concluant des accords de distribution internationaux, tout en déclarant ouvertement leur intention de dominer l’industrie mondiale du cannabis.

Et ce qui est particulièrement intéressant, c’est que cette ruée vers l’entrepreneuriat a été rendue possible grâce au gouvernement fédéral.

En règle générale, les gouvernements canadiens ne se dédient pas à la création d’entreprises. Ils sont beaucoup plus expérimentés dans l'érection de barrières, la mise au point de nouvelles réglementations et le freinage de la concurrence.

Et lorsque les entreprises canadiennes se distinguent dans un secteur particulier, en tant que pays, nous sommes résolument non stratégiques à ce sujet.

Prenons par exemple l'exploitation minière. Il fut un temps où nous étions considérés comme des leaders mondiaux. À la différence d’une grande partie de la traditionnelle économie de succursales au Canada, les mineurs itinérants ont profité du savoir-faire tiré de la richesse des ressources du pays pour faire valoir leurs revendications de l’Amérique du Sud à l’Asie.

L'industrie minière canadienne est facilement devenue notre industrie la plus internationale, représentant plus de 10 % des investissements canadiens à l'étranger, tandis que Toronto est devenue une plaque tournante mondiale non seulement pour la plus grande concentration d’inscriptions à faible capitalisation, mais également pour les firmes d'ingénierie, les fournisseurs de technologie, les banquiers et les avocats spécialisés avec qui elles font affaires.

Le secteur minier est sans doute ce qui se rapproche d’une Silicon Valley au Canada, et est une source de richesse importante. Pourtant, aucune stratégie n’a jamais été mise à profit pour tirer parti de notre avantage concurrentiel et comparatif. Alors que les Australiens étaient occupés à créer des partenariats entre le gouvernement, l’industrie et le monde universitaire pour investir dans la recherche et le développement et élaborer des stratégies commerciales ciblées, le Canada n’a pas bougé.

Il n’est donc pas surprenant que l’Australie, qui abrite deux des cinq plus grands producteurs miniers au monde et est le chef de file de l’exploitation minière automatisée basée sur les données, soit désormais considérée comme la référence mondiale.

Il existe de nombreuses similitudes entre l'exploitation minière et la ruée vers l'or du cannabis, et plusieurs leçons pourraient en être tirées. En effet, bon nombre des nouveaux entrepreneurs canadiens dans le secteur du cannabis proviennent de jeunes sociétés minières. Ils sont financés par les mêmes banquiers et plusieurs des petits investisseurs de détail qui affluent dans le secteur sont les mêmes que ceux qui achetaient auparavant des sociétés aurifères à faible capitalisation.

La question est, à part quelques personnes qui deviennent très riches, très rapidement, où irons-nous à partir de maintenant? Serons-nous capables de transformer cet avantage de premier arrivé en quelque chose de durable?

Il ne fait aucun doute que le potentiel est énorme. L’espace mondial consacré au cannabis à des fins médicales devrait représenter entre 50 et 100 milliards de dollars d’ici 2025, sans parler du marché des produits comestibles au cannabis et des technologies sectorielles allant des alcootests aux dispositifs d’inhalation.

La mesure dans laquelle le Canada pourra s'accrocher dépendra principalement de trois choses. Le première est l’intérêt des grandes multinationales mondiales à se lancer dans l’industrie du cannabis. Constellation Brands, le géant américain de l’alcool, a déjà investi 5 milliards de dollars dans Canopy Growth, une société basée en Ontario. Si Coca-Cola ou une grande société pharmaceutique suivent le pas, il sera difficile pour une petite start-up canadienne d’être concurrentielle, ou de refuser une offre d’envergure (et c'est d'ailleurs ce que beaucoup espèrent).

Le deuxième facteur a trait à la capacité des entrepreneurs canadiens de faire évoluer leurs entreprises, des entreprises en démarrage aux entreprises établies et bien gérées, avec les structures appropriées en matière de talent, de rigueur financière et de gouvernance.

Et le troisième dépend de la mesure dans laquelle les gouvernements canadiens aideront ou entraveront cette industrie en plein essor. Pour le moment, les gouvernements semblent surtout concentrés sur la réglementation, le contrôle ou la taxation.

L’industrie a enregistré une victoire importante lorsque le nouveau gouvernement de l’Ontario a décidé de renoncer à ses projets de contrôle de toutes les ventes au détail. La décision d'autoriser les détaillants privés, qui ont évité de justesse de plonger l'industrie dans un labyrinthe bureaucratique, ouvre la porte à des opportunités entrepreneuriales. Malheureusement, cela n’a pas été le cas en matière de marketing.

La décision d’Ottawa d’imposer ce que l’on ne peut qualifier que d’interdictions draconiennes à l’image de marque et à la commercialisation du cannabis nous placera dans un désavantage concurrentiel important par rapport aux concurrents américains, notamment lorsque le cannabis sera légal dans tous les États au sud de la frontière.

Nous pourrions devenir des fournisseurs de grandes marques californiennes, à moins que la culture du cannabis ne se déplace vers le sud, comme certains le prévoient. Mais les experts s'accordent à dire que l'argent réel est ailleurs.

Quoi qu'il en soit, nous ne devons pas nous inquiéter de tout cela pour l’instant. Aujourd’hui, nous devrions célébrer ce que nous avons accompli et qui est absolument impressionnant. Assurons-nous de ne pas laisser passer une autre occasion nous filer entre les doigts. Être le premier à prendre le départ dans la course est bien, mais à moins que nous puissions garder l’avance, cela ne comptera pas pour beaucoup.

——— Andrea Mandel-Campbell était vice-présidente principale et leader, Marchés des capitaux au Cabinet de relations publiques NATIONAL

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